Bon voilà.
Je viens de tourner la dernière page.
Arthur, ton bouquin, je l’ai pris en pleine gueule.
Pas lu, encaissé.
Une putain de bonne droite.
Tout ce que tu racontes, on l’a vécu, nous aussi, le 7 octobre.
On a tous arrêté de respirer.
On s’est tous cramés les yeux sur nos écrans, à scroller comme des zombies,
à mater, remater, ressasser ce qu’aucun psy ne pourra jamais réparer.
Les morts, les cris, et puis ce bruit assourdissant.
Le silence.
Celui qui t’écrase quand tu piges que t’es seul au milieu du monde.
Comme toi, j’ai senti le froid.
Ce monde qui compâtit trois jours, puis passe à autre chose.
Le médecin suisse qui te demande “quoi, le 7 octobre ?”
Je l’ai croisé moi aussi.
Il avait juste pas le même passeport,
et il était pas médecin.
On l’a tous croisé.
Même regard vide.
Même ignorance tranquille.
T’as écrit sur la solitude de notre siècle,
celle du Juif qui dit “Je” et qui dérange.
Depuis le 7 octobre, les masques sont tombés.
Il y a ceux qui savent et ceux qui croient savoir.
Ceux qui compatissent sans comprendre,
et ceux qui comprennent sans compatir.
Ceux qui pensent que l’antisémitisme c’est du passé,
et ceux qui le pensent au présent.
Ton livre, il répare nos gueules cassées.
Chaque page est une séance de thérapie.
On devrait se le faire rembourser par la Sécu.
Page après page, tu balances ton amour pour ce pays,
ton admiration pour les Israéliens.
Et nous, qui avions pris l’habitude de planquer ce mot : “Israël”,
tellement ils l’avaient sali,
tu nous l’as rendu propre.
Tu nous as rendu la fierté de le dire, haut, clair, sans trembler.
Et quand tu balances :
“Il y a un seul peuple dont le droit d’exister est toujours conditionnel.”
J’ai pris ta rage en pleine poitrine.
C’est peut-être ça, ouais, qui m’a retourné le plus.
T’as pas cherché à plaire.
T’as pas calculé.
Tu as dit ce qu’il fallait dire,
même si ça t’a coûté cher.
Ton livre,
c’est pas une confession.
C’est un manifeste.
Un acte de résistance.
T’as perdu des amis, peut-être des contrats,
forcément des certitudes,
mais t’as gagné un truc que personne pourra jamais t’enlever : la vérité.
Et ça, c’est ce qui fait d’un homme :
Un putain de Mensch.
En écrivant ces 334 pages, t’as fait plus que témoigner :
t’as partagé ton sionisme.
Tu lui as rendu son visage humain.
Tu l’as lavé de la poussière et des insultes.
Un sionisme du cœur, des tripes.
Émotionnel, charnel, instinctif.
Ce sionisme-là, tu l’expliques pas. Tu le sens.
Il bat quand t’entends l’hébreu dans un aéroport.
Il te monte dans la gorge quand les sirènes résonnent en Israël.
Il te file la chair de poule quand tu vois ces gamins rire trop fort
dans le bus qui les ramène à leur base.
Alors oui, t’as dit que tu parlais parce que t’avais peur.
Mais faut du cran pour dire “j’ai peur”
quand t’es sous le feu des caméras.
Faut des couilles pour être vrai dans un monde qui joue la posture.
En faisant ça, t’as rendu aux Juifs ce qu’on nous avait arraché :
la fierté, la dignité, le droit de marcher la tête haute.
Le droit de pas s’excuser d’exister,
et de dire à tous ceux qui voudraient qu’on se taise ou qu’on s’excuse :
“Allez bien vous faire foutre.”
Merci, Arthur.
Un putain de vrai merci.
Un merci qui m’vient des tripes, de ma rage, de ma peur,
trempé de sueur et de larmes.
Merci d’avoir parlé quand tout le monde se planquait.
Merci d’avoir prouvé qu’on pouvait être aimé sans se trahir,
populaire sans être lâche,
sensible sans être tiède,
blessé sans être brisé.
Ton livre, c’est une techouva sans prière.
Un retour vers soi par la peur, par l’amour, par le réel.
T’as perdu un Bédouin, ouais.
Mais t’as réveillé tout un peuple.
Un lecteur de ton livre.